LA ZIARRA D'HIER A AUJOURD'HUI

LA ZIAARA D’HIER A AUJOURD’HUI : ENTRE HERITAGE ET INNOVATIONS

POURQUOI LA ZIARRA ANNUELLE DE NGUICK ? (Par Mame Doudou Kane)

    El Hadji Ahmadu Wade fut l’un des premiers érudits du Njambur. Son pèlerinage à La Mecque, bien avant celui d’El Hadj Malick Sy en 1889 lui valut une grande notoriété. Dans un célèbre article intitulé Le Tidjanisme au Sénégal, paru en 1970 dans le tome 32 des bulletins de l’IFAN (série B numéro 1), I. Marone précise à la page 177 qu’entre 1907 et 1911, seuls onze Sénégalais se seraient rendus officiellement à La Mecque. On raconte qu’à son retour de La Mecque El Hadj Ahmadu Wade avait emmené plusieurs gourdes de zem-zem. Les nombreux fumeurs des villages environnants qui voudraient en gouter devaient lui rendre leurs pipes. C’est ainsi qu’il en récupéra des centaines et les brûla derrière sa concession à Nguick. Dans ce village natal de Cheikhna Abass Sall, il régnait alors une grande ferveur religieuse perpétuée par la fréquentation régulière des Maures Idaou ‘Ali et des visites répétées de personnalités religieuses auprès du maître de l’école de Nguick, El Hadj Ahmadu Wade. Dans un autre article du magazine, il est noté que sa fille Fatoumata Wade était réputée par son amour pour le prophète (Muhammad Psl). Cette admiration enthousiaste la poussait à appeler son fils Muhammad Abass. Après le rappel à Dieu en 1960 de Mame Fatoumata, Serigne Abass Sall resta des mois sans apercevoir sa mère en rêve. Ce qui l’inquiéta. Un jour, il rencontra Cherif Taha, un homme de Dieu qui avait obtenu son illumination (fatkhu) en méditant sur les bruits d’une machine scandant un nom bénit de Dieu. Chérif Taha le rassura en ces termes : « Tu reverras probablement ta mère au début de l’année musulmane à venir ». En 1961, à la fin du mois de Tamxarit (dernier jeudi de Muharram), Cheikhana Abass, qui se trouvait à Taba, vit en rêve sa mère qui lui dit ceci : « Fils ! Le village de Nguick est un site de bénédiction divine où les prières sont toutes exhaussées ». 

    Pour une meilleure vulgarisation de cette faveur divine annoncée par sa mère et par d’autres saints dans le passé (cas de Mame Dao Gaye), Cheikh Abass recommanda tous ses disciples à invoquer Dieu et à réciter le Coran tout au long du mois du mois de Muharram. Dés 1961, ses adeptes s’adonnèrent à la tâche individuellement ou en commun. Et au dernier week-end de ce mois de Muharram, Cheikhna Abass convoquait tous ses disciples à Nguick pour la clôture des prières. Ce sont les 4 jours du jeudi au dimanche qu’on appelle la Ziarra de Nguick. À partir de 1962, Cheikhna Abass y convia tous les musulmans du Sénégal. Il fit venir des centaines d’élèves issus des écoles coraniques de Saint Louis, Louga, Ross Bethio et des Daras du Njambur et du Saloum. Il s’agissait entre autres des talibés de Serigne Thierno Gaye, de Baye Ndiaye de Serigne Assane Gaye… 

    Cheikhana Abass les prenait en charge pendant 4 jours pour maximiser le nombre de kaamils récité au courant du mois de Muharram. Ce nombre était recensé et communiqué à la cérémonie de clôture du dimanche matin par Serigne Assane Guaye de Gade. À la veille du rappel à Dieu de Cheikhna Abbas Sall en 1990, le nombre de Kaamils dépassait 250. En 2000, il avait plus que triplé. En 2011 Serigne Lamine Sall avait recensé 1404 exemplaires du Coran récités. Les premiers pèlerins de la ziaaar de Nguick venaient avec leurs propres provisions. Parmi ces nobles pionniers, on peut citer le célèbre groupe mythique des 4 en provenance de Saint Louis : Amadou Mboup, Mbaye Thiam, El hadji Mademba Diouf et Alé Diouck et la forte délégation de Dakar dirigée par Moustapha Thiam, El hadj Djim Ndiaye, Malick Ndiaye, Ablaye Ndoye pour ne citer que ceux-là.
    Selon nos sources, le Président Mamadou Dia fut l’un des premiers mécènes de la ziaara de Nguick. À une des premières éditions, il avait donné 1 million de F CFA. Cheikhana Abass dépensa les 600.000 F CFA et confia le reste à Alioune Badara Diagne notre informateur. Cette somme restante était destinée à couvrir les dépenses imprévues. À l’époque, le nommé Amadou Thioub, entrepreneur de la grande mosquée de Corniche à Saint Louis faisait la navette avec son camion-car pour transporter certains pèlerins de marque tels Serigne Mamoune Ndiaye, Serigne Yankhoba Fall… La grande masse des pèlerins marchait de Baralé à Nguick, à l’aller comme au retour. Considérée sans doute comme la plus grande manifestation religieuse de son foyer spirituel, la ziaara de Nguick constitue véritablement le rendez-vous à ne pas manquer pour les disciples de Serigne Abass Sall. C’était l’unique événement qui les mobilisait pendant autant de jours au cours desquels ils se consacraient intensément à pratiquer leur religion et à magnifier ensemble leur foi en Dieu sous une grande attention de Cheikhena Abass Sall. Pendant les 4 jours de la ziaara, Cheikhana Abass exhortait chaque participant à la ziaara de faire un kaamil par jour. À ceux qui ne le pouvaient, il leur recommandait 10 000 Ikhlaas, 112 sourates intitulées « la foi pure exclusive » ou 12 000 Basmala (au non de Dieu le Miséricodieux par essence et par excellence), 12 000 Salatoul Fatihi : la prière ouvrante ou alors 70 000 Haylala (Laahilaha ilala). Il s’y ajoute qu’après chaque prière en commun, chacun était tenu de faire séance tenante 5547 Ya Latifou (Le généreux). En réalité, il cherchait à occuper au mieux les fidèles afin que tout au long de leur séjour, qu’aucun ne puisse avoir répit pour s’adonner à des futilités et que tout se consacre à la rémission totale de leurs pêchés et à la vivification de leur foi. Cheikhana Abass Sall croyait fermement qu’en ce coin si enclavé du Njambur (Nguick), loin des tentations de la vie moderne, toute sa famille religieuse pouvait communiquer et s’offrir en même temps une retraite spirituelle synonyme de recueillement, de méditation, d’ascendance spirituelle. Enfin, Cheikhana Abass profitait des heures creuses entre les prières et les wazifa en commun pour faire d’importantes prédications (causeries). 

    À la cérémonie de clôture qui se déroulait (comme de nos jours) le dimanche matin à l’intérieur du cimetière du village, en présence du Gouverneur de la région de Louga et/ou de Saint Louis, Serigne Abass Sall consacrait ses dernières prédications sur l’importance du Coran pour le musulman. 

Conclusion
   En définitive, la ziaara est un événement majeur choisi par Serigne Abass Sall pour impulser ces disciples à franchir les degrés vertueux du renoncement ascétique. La retraite méditative de Nguick est une preuve éclatante de dévotion et de renoncement qui offre aux disciples de Serigne Abass Sall une opportunité de purifier ensemble leurs âmes et soumettre totalement leurs êtres à Dieu. Il serait pertinent un jour de faire une petite étude comparative entre la ziaara de Nguick et le célèbre Daaka de Médina Gounas, ce véritable isolat du Sénégal oriental où Cheikhou Tidiane Bâ fils de Thierno Ahmed Sahid Bâ dirige une grande communauté Tidiane qui organise annuellement des journées de prières et de recueillement. 

Le défi de l’hébergement assuré (Par M. Gaye)
    S’il est évident que toutes les pratiques de culte privilégiées lors de la ziaara sont assurées par de nombreux fidèles, il est important de savoir qu’un nombre de pèlerins sans cesse croissant nécessite inéluctablement une augmentation des sites d’hébergement. Sur ce domaine, les héritiers abbassides (référence faite à Serigne Abass) s’en sont bien occupés. C’est ce qui fait que grâce à leurs agissements, la physionomie du village a beaucoup changé. Faisons un tour.
    À l’est de la mosquée où se trouvait la demeure de la vertueuse Mame Fatoumata Wade, s’implante maintenant « Dar Daass », le logement de Serigne Cheikh Tidiane Sall. Ce lieu est d’autant plus symbolique qu’il est le témoin de maints sacrifices conjugaux et spirituels consentis par la mère de Serigne Abass. Elle y récitait quotidiennement 20.000 salaatoul fatihi et d’autres puissantes litanies, sans pour autant négliger ses travaux ménagers. Dieu l’a certainement payée à travers ses enfants, mais aussi par cette belle bâtisse moderne construite par un de ses petits-fils au tout début de l’an 2000 et qui confirme qu’un lieu béni est toujours bien protégé. 
     Toujours à l’est, Serigne Seydi Alioune Sall tient sa maison bien placée qui donne une large vue sur celle de Serigne Cherif Sall au nord qui, avec son architecture purement africaine, préfère l’appeler « Darou Rahma ». Tournons vers le sud où Serigne Ahmed Tidiane Sall a embelli d’un étage à un niveau, bien blanc avec toute la pureté que cache cette couleur des saints. À quelques jets de pierre de là se trouve le splendide étage rose construit à l’aube de l’année 2008 par feu Serigne Moustapha Sall. Il est contigu à l’habitation du dahira Chabibatoul Abassiyya qui héberge de nombreux pèlerins. Plus loin vers l’ouest, Serigne Maodo Sall a sa demeure, mais il y a aussi les logis des familles de Serigne Khaly Sall et de Serigne Assane Gaye. C’est depuis 2009, les logis de la famille de Serigne Assane avaient déménagé de tout prés de « Daradji », la demeure de Serigne Lamine Sall.
    Ces nouvelles constructions susnommées viennent s’ajouter aux premiers gites comme celui des Wade, des Diop, des pèlerins de Fass Barigo, Kaolack, Saint-Louis, Niomré, Khayra, Taaba, Ndia, Diameguene, Rufisque, Ndiock, etc. Mais le plus symbolique de tous est celui de Serigne Abass qui jouxte la mosquée construite apres la disparition du saint-homme. Aujourd’hui, il est dignement occupé par le khalife Docteur Serigne Mansour Sall.
    Tous ces gites d’accueil facilitent l’hébergement des pèlerins certes, mais sont surtout des garants quant à leur sécurité et leur santé. Il s’y ajoute un important dispositif sanitaire, électrique et sécuritaire. Que dire encore des menus (repas) qui deviennent de plus en plus copieux ! Tout ce confort ne risque-t-il de compromettre l’essence purement spirituelle de la ziarra de Nguick ? Que cette ziaara reste et demeure une retraite spirituelle telle que voulue et conçue par son initiateur : une « fête des âmes » !!!

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Le saviez-vous ?

Pourquoi Nguick dure 4 jours ?
    Durant les premières années de son initiation, la ziaara commençait le jeudi soir pour se terminer le vendredi. Ce n’est que plus tard que Serigne Abass ajouta les samedis et dimanches aux deux jours originels pour un objectif bien déterminé. En effet, c’est Pape Lamine Bâ qui proposa ce changement à son marabout après lui avoir tenu informé de l’indisponibilité des cadres de l’Administration d’assister à la « fête des âmes » lors des jours ouvrables. La prorogation était inévitable.

La Ziarra en chiffre


Le rappel de ces chiffres vous aide beaucoup à avoir en tête certaines références relatives à la Ziaara.


1960 : Décès de Mame Fatou Wade, le 15 avril.
1960 : Serigne Abass le voit en songe à Taaba, le 04 juillet.
1961 : La première édition de la ziarra fut organisée 13 juillet.
761 : Nombre de kamils récité en 1989.
16641 : Nombre de Yà Latif (Le Généreux) que doivent se partager 3 pèlerins avant chaque prière.
1989 : Serigne Abass préside la ziara pour la dernière fois.
1404 : Record des kamils récité en 2011.

VERSION ARABE

زيارة انكيك بين رياض الحاضر وأطلال الماضي

كلّنا على علم بأن الأذكار والابتهالات والأدعية التي تسمعها أرض انكيك ربما لا تسمعها أرض غيرها، ذلك لأن الزيارة التي تقام فيها سنويا يحضرها جمع غفير لا يدخل تحت الحصر من جميع الأصقاع ومن مختلف البلدان لممارسة رياضة لنفوسهم الأمارة بالسوء تارة كي تتحول إلى مطمئنة راضية مرضية. فهذا الجمع الكثير يتطلب أن يكون في ظل أمن واستقرار في الطعام والشراب وفي المسكن، لهذا كان جديرا أن نظهر ازدياد السكن وتوفرها في القرية بسبب هذه الزيارة بفاعلية الجهود الجبارة التي قام بها البعض حتى تغيرت ملامح هذه القرية. عند الجولان في ربوع القرية، ترى قرب المسجد حيث كانت مسكن السيدة فاطمة ود المسمى [دَرْدَاسْ] فهناك مسكن الشيخ أحمد التجاني صل الواسع، كان هذا المكان شاهدا عبادة لم يُعرف لها نظيرا وأذكارا يعدّ ولا يحصى كانت تمارس هذه كلها السيدة فاطمة والدة الشيخ عباس إذ كانت تذكر بين كل عشية وضحاها 20000 من صلاة الفاتح لما أغلق، وغير ذلك من الأذكار دون أن تشتغل بها عن أعمال بيتها وأمور بعلها، وزيادة على شرف مكان الدرداس هذا، أن مكّن الله تعالى أحد أحفاد هذه العابدة باسم الشيخ سيدي أحمد تجان صل[مريم] ليحتل هذه البقعة الطاهرة في بداية عام 2000م، بروعة البناء وسعة الأرجاء وبراعة الزخارف مما يدل على أنبقعة طاهرة كهذه لا بد أن تكون محروسة في كل حين وزمان. وبجانب هذا البيت العريق تواجه محل الشيخ سيدي علي التماسيني صل، الذي يحتل مساحة واسعة، لاستقبال الضيوف وإيواء الغرباء بتوفير السكن لهم. وانظر طريق المقبرة كي ترى منزل الشيخ سيدي محمد الحبيب صل الذي يسمى [دار الرحمة]، والذي يمتاز بالروعة والجمال والعمارة الإفريقية البارزة. وارجع خلفك لترى البيت الجميل الشامخ الذي يجبر الناظر على الوقوف له إجلالا وإكبارا، والذي بناه الشيخ سيدي محمد أحمد التجاني صل. وبعد خطوات من السير ترى جموع الناس يقف أمام البيت المنيف مشدودةً بروعة بنائه ومدهوشةً ببراعة زخارفه، والذي تم على نفقة المحسن الراحل سيدي محمد المصطفى صل، فكان البيت قرب محل دائرة الشبيبة العباسية التي تستضيف العدد الكثير من ضيوف الزيارة مع التوفير لهم كل اللوازم الواجبة. وانظر على بُعد من غربها يظهر لك مأوى الغرباء حيث يحلّ الشيخ مَوْد صل الحاج مالك، الذي يقابل مسكن أسرة الشيخ محمد الغالي صل رضي الله عنه، وبقربه محل أسرة الشيخ حسن غاي رضي الله عنه في المكان الذي تحولوا إليه في عام 2009م. وكانوا قبل ذلك في مكان قريب من مسكن الشيخ المقرئ محمد الأمين صل، حيث يفد طلاب مدرسته القرآنية فتسمع لهم دويّ كدويّ النحل بقراءة القرآن الكريم. والمساكن الباقية احتلتها أسر بألقاب مختلفة: [ود] و[جوب] وغيرها، وبعض القرى أمثال: كولخ، سانت لويس، نيومري، طابة، قاهرة، انجه غوري، رفسك، انجُك صل، جمَّ غن. وأبرز هذه كلها هو المسكن الذي بجانب المسجد، حيث يحتله سعادة الخليفة محمد المنصور صل أطال الله بقاءه. وكل هذه ترى أن الأماكن والنواحي كلها عراها التغيير، والمساحة الواسعة غطتها المساكن لاستقبال الضيوف الأعزاء.

منصور غاي 

الزيارة في أرقام

أيها القارئ: يساعدك كثيرا هذه النوع من العرض في استيعاب كل المراحل والأطوار التي مرت عليها هذه الزيارة 1960م: وفاة والدة الشيخ عباس، السيدة فاطمة ود في 15 أبريل. 1960م: تلاقي الشيخ عباس معها في عالم الرؤيا وهو في قريته [طابة]، فزارها في العام نفسه.

1961م: الزيارة السنوية الأولى للقرية أقامها الشيخ 13 يوليو.

1982م: كان عدد الختمات من القرآن الكريم 761، وحسبنا الله ونعم الوكيل 1417500، ومن اسم الله [اللطيف] 321346. 16641 : العدد الذي يذكر من اسم الله [اللطيف]، ويقسّم هذا العدد على كل ثلاثة فيذكر كل منهم 5547 من اللطيف

1989م: آخر زيارة يشرفها الشيخ عباس صل التجاني رضي الله عنه. 2011م: كان عدد الختمات من الذكر الحكيم 1404.

هل عرفت قبل ؟

كانت الزيارة في سنواتها الأولى تستغرق يومين فتبدأ يوم الخميس وتنتهي يوم الجمعة، ولكن بعد زمن زاد فيها الشيخ عباس صل التجاني السبت والأحد بإيحاء من صديقه الصادق الحاج محمد الأمين باه رحمه الله حين طلب إليه زيادة هذين اليومين نظرا لكون الذين يعملون في السلطات الإدارية لا يجدون فرصة للحضور في عيد الأرواح في انكيك إلا في هذين اليومين، وبصدر رحب اقتنع الشيخ بكلام الحاج محمد، فكذلك كان أيام التوجه إلى الله في انكيك أربعة تبدأ من يوم الخميس إلى يوم الجمعة 

منصور غاي

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